La sagesse des cailloux
Vous voyez ces petits cailloux qui se glissent dans nos chaussures ?
Ceux qui transforment notre « petit effort de trois fois rien qui va me prendre à peu près 2 heures, pause pipi incluse » en une laborieuse quête de 3 jours que nous parcourons hésitant.e, boitillant.e, presque hagard.e et comme toujours surpris.e de ce qui ne devrait plus nous étonner : OUI nous avons (encore) été bien trop naive/naïf optimiste lorsqu’il eût s’agit d’évaluer le temps nécessaire à la tâche…
Constat qui s’ensuit généralement d’une seconde découverte stupéfiante : notre égo se situe apparemment sous la voûte plantaire. Nous en voulons pour preuve les égratignures que ces vils cailloux y ont laissées.
Vous voyez le tableau ?
Bon alors. Pause. Calme. Pas la peine de caillasser l’écran, ce dernier vous sera encore longtemps utile.
Inspirez profondément et parlez-lui avec amour : Humble caillou, toi qui par ta seule présence sais exister pleinement, insuffle-moi l’essentiel. Apprends-moi ! Apprends-moi à régner sur mon petit périmètre en toute simplicité. Raconte-moi ton talent, ta pleine incarnation, ta force de ne jamais attendre plus que ce qui est. Chuchote-moi le secret de la réussite sans artifices.
Rien. Aucune réponse du vénérable maître caillou. Le vide. Le néant. La solitude extrême. Un silence qui claque, telle une gifle dont l’écho résonne longtemps, là encore, sous la voûte plantaire.
Ce n’est pas grave, c’était bien essayé. Mais nous le savions bien, dépourvus de cordes vocales les cailloux ne parlent pas. Ils sont aussi bruts que des données de recherche. Nous, chercheuses et chercheurs, sommes des interprètes. Notre métier consiste à donner du sens. Je me permets donc une interprétation.
Ces cailloux, rêches philosophes adorant sauter dans nos baskettes de doctorant.e.s, semblent investis d’une mission simple : nous rappeler que nous ne sommes nullement arrivés mais bel et bien en chemin. En d’autres termes, l’erreur fait pleinement partie de l’apprentissage et il fait bon savoir se le rappeler.
“Courage, ce sentiment d’être mal chaussé.e ne t’est pas propre. Il est généreusement partagé par beaucoup. Tu n’es pas seul.e. D’ailleurs, vous êtes tous un peu minéraliers/minéralières. Les tracasseries de thèses se transformeront en pépites et constitueront un inestimable trésor : l’expérience. “
Attendez, une minute! Qui vient de parler ainsi ? Derrière moi un simple mur de pierre. On aurait vraiment cru que c’est de là que provenaient ces paroles…